Filière : Pharmacie Hospitalière – PHPR

Occasion : Disponibilité

Type : Mission humanitaire

Terrain d’accueil : Les Pharmaciens Humanitaires

Où es-tu partie et avec quelle association ?

Je suis partie à Lomé, capitale du Togo, pendant trois mois et demi avec PAH (Pharmacie et Aide Humanitaire). « PAH, Les Pharmaciens Humanitaires » est une ONG basée à Paris composée de professionnels de la solidarité internationale dont l’objectif principal est d’améliorer l’accès à des produits pharmaceutiques de qualité pour garantir des soins médicaux. Tous les étudiants de la même promotion (“année”) ont un mois de formation en novembre à Paris et partent en mission dans les mois qui suivent.

Quels types de profils sont recherchés ?

Les missions sont variées et elles peuvent concerner les pharmaciens hospitaliers, les préparateurs en pharmacie, les pharmaciens en industrie, en officine, les internes et les étudiants en pharmacie ayant validé leur 5ème année.

En quoi consiste le mois de formation ?

Les cours sont répartis en 4 modules :

  • Bases de l’action humanitaire en santé,
  • Géopolitique,
  • Pharmacie à l’international : ce module, très intéressant, a fait intervenir des pharmaciens travaillant dans différentes ONG, ce qui nous a permis d’avoir une vision globale des différentes missions qu’un pharmacien peut avoir dans l’humanitaire (Médecin Sans Frontière, PUI : Première Urgence Internationale, pharmacien dans des centrales d’achat, …),
  • Gestion de projet : comment faire un cadre logique, théorie sur la gestion de l’approvisionnement et le stockage.

Pourquoi as-tu choisi le Togo ?

Cette année, il y avait quatre pays de missions (Togo, Bénin, Gabon et Madagascar) et un pharmacien étranger a réalisé sa mission au Mali. La répartition s’est faite en fonction des profils et des disponibilités. Je suis interne, j’ai donc préférentiellement été affectée dans un CHU.

Cette formation est-elle payante ? Quelles sont les conditions pour pouvoir rejoindre cette association ?

Oui, la formation PAH est payante : le coût de la formation comprend le mois de cours (900 euros) et une partie des dépenses relatives à la mission (environ 900 euros). Mais une partie est prise en charge par PAH (billets d’avion, visa, loyer). Nous avons été sélectionnés sur la base de nos CV et lettres de motivation.

Quelles étaient tes missions, les objectifs de cette mission ?

A Lomé, deux CHU sont en activité. Depuis 2018, PAH apporte son soutien à la structure pharmaceutique du CHU Sylvanus Olympio, situé dans le quartier Tokoin. Les actions menées par PAH sont coordonnées avec le bureau d’étude français en santé publique, le CREDES (Centre de Recherche, d’Études et de Documentation en Économie de la Santé = organisme français qui embauche des personnes locales.) qui recrute actuellement deux pharmaciens. Le travail de la précédente chargée de mission a été décisif pour l’élaboration du livret thérapeutique : étude des ventes perdues pour appuyer sa mise en place, recueil des listes de produits nécessaires pour les différents services, rédaction de la liste, mise en place d’ordonnances trois volets pour évaluer le respect du livret. Dans la continuité de la mission PAH 2018 et en coordination avec le CREDES, mon objectif principal est d’améliorer la gestion des produits pharmaceutiques, notamment en assurant le suivi des stocks et des commandes afin de diminuer le risque de rupture des produits inscrits au livret.

En quoi consiste tes activités, ta journée type ?

Au cours de la première semaine, Dorine, l’ancienne chargée de mission PAH, m’a présenté aux différentes personnes du CHU avec qui j’allais travailler au cours de ma mission : équipe du CREDES, équipe de la pharmacie, direction. Les deux semaines de découverte et d’évaluation de la pharmacie, m’ont ensuite permis de me rendre compte que les causes de rupture sont nombreuses : espace de stockage insuffisant, rangement aléatoire des produits pour faire face à ce manque de place, stock divisé en plusieurs magasins, circuit des commandes complexe et faisant intervenir de nombreux acteurs, logiciel informatique non optimal pour le suivi des stocks, manque de disponibilité des produits auprès des fournisseurs etc. Nous avons mis en place, en collaboration avec la cellule des marchés, un suivi des commandes pour :

  • Déterminer le délai de livraison entre l’estimation des besoins et la réception de la commande. Ceci va permettre de calculer les SMin pour sensibiliser les magasiniers sur les moments où passer la commande et établir un rationnel de commande.
  • Identifier les causes de rupture.
  • Réception d’une commande : Vérification conformité bon d’achat/bon de livraison

Les premiers résultats montrent, d’une part, que les délais de livraison varient entre 9 et 17 jours alors que les fournisseurs sont basés à Lomé et d’autre part, que les taux de disponibilité des produits sont faibles : entre 20 et 30 % en fonction des 4 fournisseurs du CHU, ce qui fait que les commandes sont honorées à moins de 50 %. Bien qu’il existe des problèmes au niveau de la gestion des stocks du CHU, ces chiffres montrent que l’approvisionnement des produits au niveau national reste un enjeu majeur. Des marchés ont été signés auprès des fournisseurs pour l’année 2019 : ceci devrait diminuer les délais de livraison et améliorer la disponibilité des produits. Un rationnel de commande a été proposé. En parallèle, un tri des dons a été fait. Malheureusement, force est de constater que plus de la moitié des produits donnés devront être détruits car périmés, non identifiés, déjà entamés, inutilisables par le CHU car trop spécialisés… Ces intrants seront détruits au frais de l’établissement bénéficiaire. Les conclusions sont les mêmes que d’autres chargés de mission PAH ayant travaillé sur le sujet : il est nécessaire d’encadrer au maximum les dons afin de sécuriser le circuit et de limiter les pertes.
Nous avons également organisé deux sessions de formation de 5h pour l’ensemble du personnel. En effet, ceux qui vendent les médicaments ne sont pas des infirmiers mais des vendeurs sans formation.

Il n’y pas de statut de préparateur et très peu de pharmacien. Durant la mission, as-tu des contacts avec PAH ?

Oui bien sûr ! Chaque personne de PAH a un référent de mission en France. Ma référente connaissait très bien le terrain car elle était venue au CHU Sylvanus Olympio pendant presque 1 an. Elle m’a beaucoup aidé et a su me conseiller pour mes différentes missions : durant la mission, je devais lui envoyer un reporting toutes les 2 semaines pour lui faire part de l’avancée de mon travail. C’est vraiment bien car ça t’aide à te motiver, te permet de construire un minimum sur place et donne des objectifs.

Comment se passe la dispensation ?

Il y a bien une pharmacie de vente mais le système est différent de celui de la France. Ici, le système de santé est basé sur le recouvrement des coûts : “l’utilisateur paye”. Autre différence majeure : ce n’est pas le médicament qui va au lit du malade comme dans nos hôpitaux mais plutôt le patient (ou un membre de sa famille, ou un infirmier) qui se déplace à la pharmacie de vente pour acheter son traitement s’il le peut. Si le produit est indisponible, le patient peut aller l’acheter en officine de ville ou sur les marchés.

Y a-t ‘il beaucoup de patients qui n’achètent pas leurs médicaments/ Tous les médicaments sont-ils disponibles ?

Le nombre d’ordonnances non délivrées au CHU est énorme : 40 % des lignes d’ordonnances non dispensées selon une étude réalisée sur une semaine par la précédente chargée de mission PAH. Ceci s’explique par des ruptures auprès des fournisseurs, un manque de disponibilité, un refus de la part des patients. Toutefois, il est important de noter que 69 % des lignes non dispensées auraient pu être substituées. Actuellement, les professionnels de santé ne sont pas encore sensibilisés aux génériques et à l’importance de la substitution et il existe une forte pression des visiteurs médicaux.

Faites-vous des préparations magistrales ?

Pas au CHU Sylvanus Olympio. A Madagascar, PAH est présent pour la mise en place d’une unité de production de SHA. Cette mise en place a été réalisée suite à une étude pharmaco-économique et répond à des besoins de santé publique. As-tu rencontré d’autres personnes durant ces 3,5 mois ? Oui, j’ai pu rencontrer d’autres pharmaciens, essentiellement des étudiants, mais aussi des togolais vivant dans la même ville. La vie à côté du travail est vraiment chouette !! “Ici, quand tu sors du taff tu sors du taff !!”. Les Togolais sont réputés pour leur chaleureux accueil et ce n’est pas un mythe !

Si c’était à refaire, le referais-tu ?

Bien sûr !! Honnêtement, je ne m’attendais pas à ça. En revanche, si je devais renouveler ce type d’expérience, j’aimerais le faire dans une plus grosse ONG avec davantage de moyens et plus dans un contexte d’urgence.

As-tu trouvé cette mission enrichissante professionnellement et personnellement ?

Oui très enrichissante ! Professionnellement, même s’il a été difficile de mettre en place un nouveau projet et de faire bouger les choses et que le manque de moyen financier, matériel et humain était criant, c’est la première fois où je me suis vraiment sentie écoutée auprès des médecins, des autres pharmaciens et où mon avis avait son importance. Cette expérience m’a appris à reconsidérer la place du pharmacien, qui occupe un rôle majeur en ayant à la fois des compétences sur la gestion des stock, l’approvisionnement mais aussi un oeil clinique. C’est un vrai pilier ! Sans le produit de bonne qualité, on ne peut pas soigner le patient. Personnellement, on sort de sa zone de confort mais on rencontre des gens supers. J’ai également appris sur moi-même. Il ne faut vraiment pas avoir peur de se lancer dans ce genre d’expérience surtout si ce n’est que pour 6 mois. Si des gens hésitent un peu, il faut y aller, ne plus hésiter. Ce genre d’expérience, ce n’est que du plus !

Aurais-tu aimé un autre continent ?

Initialement, j’étais vraiment attirée par l’Afrique principalement pour la culture, les autres continents m’attirent moins. Depuis sa création, en 1992, PAH est intervenu sur plusieurs continents : Afrique, Amérique du Sud, Asie. Actuellement, les lieux de mission sont uniquement des pays d’Afrique Francophone.

Après cette mission, vas-tu modifier ton parcours d’interne à ton retour ?

Au début, je me suis effectivement posé cette question. Vais-je orienter mon cursus vers l’humanitaire ? Mais actuellement la réponse est non. En effet, le côté gestion des stocks et très intéressant mais ce n’est pas ce qui me plait dans le métier de pharmacien hospitalier. Le côté clinique est la partie qui me plait le plus et il y en a peu dans la pharmacie humanitaire. Cela restera une expérience à part ! Par contre, si des pays se mettent à construire des unités de chimiothérapies et ont besoin de formation, cela m’intéresserait beaucoup plus et je serais prête à y aller.

Penses-tu que 3 mois et demi est la bonne durée pour ce type de mission ?

Pour une première expérience, c’est déjà pas mal. J‘ai jamais bougé de l’Europe donc c’est chouette et l’intégration s’est faite rapidement. Sur la fin de mission, le temps m’a paru un peu long mais je pense que 6 mois est une durée plus idéale car cela permet de suivre les projets mis en place, ce que je n’ai pas pu faire… As-tu eu des moments où tu ne te sentais pas en sécurité ? Oui, ce n’est pas toujours très « safe ». Il faut simplement faire attention à ne pas se déplacer seule surtout la nuit, porter un casque sur les zems (le transport commun de la ville : les taxis-motos), mais cela ne m’empêche pas de sortir et les gens ici sont très vigilants également !

Que penses-tu de faire une carrière à l’international ?

Il faut être mobile, disponible et souvent la vie de famille passe après le travail dans ce genre de carrière, même si les deux ne sont pas incompatibles. Si on recherche une certaine stabilité, ce n’est pas forcément la voie idéale. Mais cela reste des métiers passionnants avec des missions variées et une ouverture sur le monde. Je pense que la carrière à l’international implique un réel engagement et qu’il faut prendre en compte les différents aspects professionnels et personnels d’une telle carrière avant de la choisir. Attention, pour les prochains, l’association PAH n’a pas de nouveau président : les inscriptions pour 2019/2020 n’auront pas lieu. Son bureau est composé de 7 à 8 membres de différentes horizons.